Elina Dubois, Psychologue clinicienne pour enfants, adolescents et adultes sur Londres.

Nous avons demandé à Elina Dubois, psychologue et clinicienne pour enfants, ses conseils pour décoder les émotions des enfants et les accompagner au mieux, en se mettant à leur hauteur.  


Nous vous invitons à consulter son site internet : https://www.elinadubois-psychologue-londres.com/


I. Immaturité cérébrale


Les enfants partagent leurs émotions de manière authentique et directe, sans les filtres et les
inhibitions que nous, les adultes, avons développés au fil des années. Leurs ressentis peuvent
sembler intenses, voire démesurés, à travers notre perspective d’adultes. Cela peut nous
dérouter, car nous sommes habitués à gérer nos émotions de façon plus contenue et à suivre des
normes sociales qui nous poussent dans certains cas à masquer ce que nous éprouvons.

Pourtant, il est essentiel de comprendre que l’expression émotionnelle des enfants est une
manifestation naturelle de leurs sentiments intérieurs. Leur monde affectif est encore en
construction, et ils apprennent à naviguer à travers un tourbillon d’émotions nouvelles et parfois
accablantes. Chaque petite déception peut sembler être une tragédie à leurs yeux, et chaque joie
peut se transformer en une explosion d’enthousiasme contagieux.


La partie de notre cerveau, que nous appelons le cortex préfrontal, est en cours de
développement chez les enfants. Cette région nous permet de prendre des décisions, de
contrôler nos impulsions, et nos émotions (Zelazo et al., 2003). Ainsi, il est normal que la
régulation de celle-ci soit parfois compliquée.


Il est essentiel de reconnaître que les émotions des enfants sont tout aussi valides que celles des
adultes, même si leur manière de les exprimer peut sembler inappropriée ou excessive.


II. La hauteur d’enfant
Marion cuerq auteur du livre Une enfance en Nord (2023), à introduis le concept de la hauteur
d’enfant traduit du suédois « barnperspektiv ». À travers sa présentation de la conception de
l’enfant en suède, elle propose que l’on se place à la hauteur de l’enfant afin de mieux décoder
ces émotions.


« La hauteur d’enfant, c’est quand les adultes essaient de regarder le monde à travers la
perception des enfants, en cherchant à se mettre dans les baskets des plus petits pour les

comprendre selon leurs conditions. C’est littéralement mettre l’enfant au centre. » (Cuerq,
2023, p. 36)


Par conséquent ce concept s’appuie essentiellement sur le principe de confiance, dans une
volonté d’humaniser les plus petits. Les adultes, choisissent de ne plus se positionner en posture
verticale de supériorité face à l’enfant, mais bien de descendre à son niveau. Ainsi, la hauteur
d’enfant n’est pas une méthodologie spécifique avec des outils à appliquer, mais une réelle
manière d’appréhender le monde qui nous entoure. (Cuerq, 2023)


Avant tout, il faut comprendre que derrière chaque crise ou ce que nous appelons souvent un
« caprice », se cache une émotion intense. En réalité, le concept de caprice tel que nous le
connaissons n’existe pas chez les enfants, car cela supposerait qu’ils ont la faculté de planifier
de manière consciente une série d’actions pour manipuler les sentiments des adultes.
Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, en raison de l’immaturité de leur cortex
préfrontal, ils ne sont pas capables de contrôler leurs propres émotions, ce qui rend impossible
la manipulation délibérée des émotions des autres.


Ainsi, nous devons devenir de véritables enquêteurs pour comprendre ce qui a induit une telle
émotion. Prenons un exemple concret :

Imaginez un enfant qui, lorsqu’on lui dit de ranger ses jouets, réagit en criant, en pleurant et en
refusant catégoriquement de les ranger. À première vue, cela pourrait sembler un simple acte
de désobéissance ou de colère. Cependant, en tant qu’adultes, nous pouvons nous mettre à son
niveau pour comprendre ce qu’il éprouve. Les enquêteurs émotionnels que nous sommes
devraient commence à investiguer en posant des questions pour découvrir ce qui se passe. Par
exemple, nous pourrions demander : ‘Pourquoi es-tu si contrarié à propos du rangement des
jouets ?’


En discutant davantage, nous pourrions apprendre que l’enfant a un attachement émotionnel
particulièrement fort à certains de ses jouets, en particulier à une figurine pat patrouille qu’il
considère comme son ami le plus proche. En lui a demandant de mettre ses jouets en ordre, il
a interprété cela comme une menace pour sa figurine.


En entendant cela, nous pouvons réagir de manière plus compatissante. Nous pourrions lui
expliquer que nous comprenons son affection pour son « Pat patrouille » et que nous ne le
retirons pas de façon permanente. Au lieu de cela, nous pourrions proposer de lui trouver un
endroit spécial pour la ranger, où il sera en sécurité. Ou encore, nous pouvons lui suggérer de
garder sa figurine et qu’il remette en place ces autres jouets.


Nous démontrons ainsi à l’enfant que nous prenons en considération ses sentiments et ses
besoins, plutôt que de simplement adopter une approche autoritaire. Cela peut contribuer à
apaiser sa réaction émotionnelle et à l’aider à acquérir des compétences pour gérer ses émotions
dans des contextes similaires à l’avenir. Comme le décrit Marion Cuerq, ( 2023 ) l’autorité
stricte et l’application de punition n’ont qu’une seule conséquence : elles arrêtent
immédiatement le comportement de l’enfant par la peur. Ainsi, par crainte de contrarier ses
parents, il réprime ses émotions. Cependant, face à de nouvelles situations, il peut manquer des
outils nécessaires pour apprendre à réguler ses émotions. De plus, l’émotion sous-jacente n’a
pas été comprise ni accompagnée, ce qui signifie que la peur intense de perdre son jouet
demeure.


Il est important de comprendre qu’il est impossible de supprimer une émotion. Celle-ci revient
toujours, parfois de façon dissimulée, sous une forme inattendue. Nous pouvons donner
l’impression d’avoir supprimé un sentiment, mais en réalité, nous ressentons autant d’émotion
et même plus de réaction physique dans le corps que lorsque nous l’exprimons (Srivastava &
al., 2009 ; Gross, 1998 ; Richards & Gross, 1999). Si nous avions réagi avec une attitude
autoritaire avec ce petit, il est fort probable qu’au cours de l’après-midi, lors d’une sortie au
parc, ses émotions soient à vif et que ses réactions en soient plus intenses, et il pourrait refuser,
par exemple, de quitter le parc. Lui-même ne serait pas en mesure de comprendre ce qui lui
arrive. Nous même adultes quand nous avons une émotion qui revient de manière « cachée »
nous sommes un peu désorientés et pouvons éprouver des difficultés à clairement l’identifier.
En conséquence un enfant qui n’a pas encore tous les outils pour appréhender tout cela sera
profondément ébranlé.


Ce type d’approche encourage la communication ouverte entre l’adulte et l’enfant, permettant
ainsi de mieux comprendre et de répondre aux besoins émotionnels de l’enfant, même dans des
situations apparemment simples comme le rangement des jouets


III. Quelques outils

    1. L’écoute active : Prenez le temps d’écouter attentivement votre enfant. Posez-lui des
      questions ouvertes qui l’encouragent à s’exprimer, et soyez présent(e) mentalement
      lorsque vous l’écoutez. Cela peut aider l’enfant à se sentir entendu et compris.

    1. Observez les signaux non verbaux : Les enfants, en particulier les jeunes enfants,
      peuvent avoir du mal à exprimer leurs besoins verbalement. Observez donc leur langage
      corporel, leurs expressions faciales et leurs comportements pour détecter des indices sur
      ce qu’ils ressentent.

    1. Développez votre empathie : Essayez de vous mettre à la place de votre enfant pour
      mieux comprendre ce qu’il vit. Rappelez-vous que ce qui peut sembler insignifiant pour
      un adulte peut être une source de frustration majeure pour un enfant.

    1. Apprenez à décoder les émotions : Les enfants peuvent avoir du mal à nommer leurs
      émotions. Aidez-les à identifier ce qu’ils ressentent en leur posant des questions simples
      comme : “Comment te sens-tu en ce moment ?” ou en leur proposant des mots pour
      décrire leurs émotions (heureux, en colère, triste, etc.).

    1. Favorisez la communication ouverte : Créez un environnement où votre enfant se sent
      en sécurité pour exprimer ses émotions et ses besoins sans crainte de jugement ou de
      réprimande.

    1. Établissez des routines : Les routines peuvent aider les enfants à se sentir en sécurité
      en sachant à quoi s’attendre. Cela peut réduire les frustrations liées à l’incertitude.

    1. Offrez des choix limités : Donnez à votre enfant la possibilité de faire des choix à un
      niveau adapté à son âge. Cela lui donne un sentiment de contrôle sur sa vie et peut
      réduire les frustrations.

    1. Soyez un modèle d’expression émotionnelle saine : Montrez à votre enfant comment
      exprimer vos propres émotions de manière appropriée. Cela peut l’aider à apprendre
      comment gérer ses propres sentiments.

    1. Soyez patient et tolérant : Les enfants peuvent être frustrants par moments, mais il est
      important de rester calme et de ne pas réagir de manière excessive. Cherchez à
      comprendre ce qui se cache derrière leur comportement.

    1. Faites appel à des professionnels si nécessaire : Si vous avez des inquiétudes sur le
      comportement, le développement de votre enfant ou que vous souhaitez être
      accompagné dans votre parentalité, n’hésitez pas à consulter un professionnel de la santé
      mentale spécialisé dans l’enfance et l’adolescence. Ils peuvent vous aider à comprendre
      et à traiter des problèmes plus complexes.

Bibliographie


Cuerq, M. (2023). Une enfance en NORD : Pour une éducation sans violence et à hauteur
d’enfants. Marabout.


Faber, A., Mazlish, E., & Coe, K. A. (1980). How to talk so kids will listen & listen so kids
will talk. http://ci.nii.ac.jp/ncid/BB18796749


Gross, J. J. (1998). Antecedent- and response-focused emotion regulation : divergent consequences for experience, expression, and physiology. Journal of Personality and Social Psychology, 74(1), 224237. https://doi.org/10.1037/0022-3514.74.1.224


Richards, J. M., & Gross, J. J. (1999). Composure at any cost ? The cognitive consequences of emotion suppression. Personality and Social Psychology Bulletin, 25(8), https://doi.org/10.1177/0146167299251101

 

Srivastava, S., Tamir, M., McGonigal, K., John, O. P., & Gross, J. J. (2009). The Social Costs of Emotional Suppression : A Prospective Study of the transition to College. Journal of Personality and Social Psychology, 96(4), https://doi.org/10.1037/a0014755

 

Zelazo, P. D., Müller, U., Frye, D., & Marcovitch, S. (2003). Abstract. Monographs of The Society for Research in Child Development, 68(3), viiviii. https://doi.org/10.1111/j.0037-976x.2003.00260.x

Rate this post

Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *